cinéma documentaire
Lundi 11 novembre, Tulle, 36 avenue Alsace-Lorraine, locaux de Peuple et Culture,18h30, projection du film Stau Jetzt geht’s los (1992 – 85 ‘) de Thomas Heise
Dans l’ancienne cité socialiste modèle de Halle-Neustadt en 1992, peu après la chute du mur, il ne reste plus grand-chose de l’utopie de la justice sociale et de l’égalité. Dans ce documentaire, le réalisateur Thomas Heise suit cinq jeunes néo-nazis avec sa caméra, il mène de longues interviews avec eux et recherche les causes de leur orientation politique d’extrême droite. Ce sont des jeunes qui ont vu la RDA et leurs parents échouer : leur confiance dans l’État et les structures sociales est perdue. Le ROXY, un club de jeunes de la ville, est leur point de chute et aussi l’endroit où Thomas Heise les rencontre dans un premier temps : dans ce cube de béton, on entend des jeunes crier des slogans nazi comme : « Sieg Heil ! ». L’ennemi est toujours clair : les gauchistes, les étrangers, les gitans. Tout le reste n’est pas clair : les anciennes valeurs, les droits, les devoirs, les modèles et les interdictions ont été renversés et ont laissé place à une liberté douteuse. Les jeunes skins trinquent contre l’incertitude, personne ne veut être un perdant.
Soucieux d’une rencontre d’égal à égal, Heise engage peu à peu le dialogue avec eux et leurs familles. Il montre l’idéologie, mais aussi le manque de soutien et la perdition des jeunes, et renonce à tout commentaire sommaire ou à toute déclaration de jugement tranchant. Ronny a cinq frères et sœurs, il tente le dialogue avec ses parents, mais ils ne le comprennent pas. Holli raconte comment il est devenu un homme de droite et comment sa mère est morte. Matthias est le plus jeune, son rêve serait d’avoir un harem et Konrad aime faire des gâteaux. Les problèmes privés et sociaux peuvent-ils vraiment être une explication ? Jusqu’à aujourd’hui ? Le cliché est vrai, et il ne l’est pas. Individuellement, ils ne sont pas antipathiques, en groupe, ils sont dangereux.
L’année de sa sortie, le film de Heise était un sujet politique : l’observation de jeunes d’extrême droite a suscité des débats dans les médias, les projections du film elles-mêmes étaient régulièrement la cible d’actions militantes. L’opposition (surtout à gauche) s’est formulée contre le concept radical de Heise : il entre en contact avec les jeunes de droite sans filtres ni préjugés. Il les rencontre à la table du salon, esquisse leur vie de famille, montre la désolation du quotidien peu après la fin de la RDA. Et plus encore : Heise renonce aux images simplistes de diabolisation médiatique et s’assoit plutôt en face de ces adolescents désemparés et violents avec une vraie écoute et une profonde volonté de comprendre. Federico Rossin