Adrien Chevrier
Formé dans différents champs disciplinaires des sciences humaines (l’histoire, la littérature, la science politique et surtout la philosophie politique contemporaine qu’il a enseignée à l’Université Paris 8 Vincennes/Saint-Denis), Adrien Chevrier produit depuis cinq ans des documentaires radiophoniques pour France Culture. D’un genre à l’autre, il travaille essentiellement trois registres documentaires : des portraits pour l’émission Toute une vie – pour laquelle il a réalisé, depuis 2020, quatre émissions : le portrait de trois cinéastes (Djibril Diop Mambety, Abbas Kiarostami et Roberto Rossellini) et, plus récemment, le récit de la vie et l’œuvre de l’avocate et activiste syrienne Razan Zaitouneh enlevée dans la Ghouta en décembre 2013 (réal. Yaël Mandelbaum).
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Des reportages pour La Série documentaire (LSD) dont le dernier, Liban, présent brûlé (réal. Séverine Cassar) retraçait, en quatre épisodes, plusieurs séquences de l’histoire contemporaine du Liban : la fin de la guerre civile et la mise en place d’un nouveau système politique oligarchique et mafieux, la crise économique de 2018, la tentative de révolution de 2019 et l’explosion du port de Beyrouth en août 2020.
Et des pièces sonores de création pour l’émission de création radiophonique L’Expérience (France Culture) pour laquelle il a réalisé – sa dernière création en date – un portrait du métro parisien la nuit auprès des personnes qui y vivent et y dorment : La Grande nuit. À celles et ceux qui vivent sous Paris (réal. Céline Ters, co-écrite, cette pièce a été nominée à plusieurs prix radiophoniques dont les Phonurgia nova awards).
Il remporte, en juin 2023, le Grand Prix Sonore de la SCAM (prix de l’œuvre de l’année) pour une série sur la justice antiterroriste produite pour La Série Documentaire de France Culture (réal. Séverine Cassar) en 2022.
Après avoir conduit, l’année dernière, dans le cadre de sa résidence à Peuple et Culture avec l’artiste Mélanie Métier, plusieurs ateliers de radio qui ont abouti à un plateau en public dans le quartier de la gare de Tulle et après avoir initié des écoutes radiophoniques dans plusieurs lieux de la commune (le théâtre de l’Empreinte, la gare SNCF, le domaine du Mons), Adrien Chevrier finalisera cette année (2024) une pièce sonore, résultat d’un travail d’enregistrement qu’il mène depuis plusieurs mois autour du mot de « peuple » qui donne son nom à l’association enregistrant dans différents lieux de la ville, il s’efforce de faire entendre la vie quotidienne de différentes structures d’accueil et d’accompagnement social (la vestiboutique de la Croix Rouge, le Centre Communal d’Action Social de Tulle, un café associatif) et de donner écho à des voix que l’on entend généralement peu ou pas.
« Car si un des aspects du travail documentaire consiste à essayer de montrer (ou de faire entendre) pourquoi et comment, par leurs conditions matérielles d’existence, un certain nombre de personnes se trouvent d’emblée exclu·es politiquement de l’organisation générale de la cité, c’est pour faire entendre ces voix-là que j’ai choisi ces lieux de tournage.
Écouter et s’efforcer de faire entendre ces paroles qui disent le temps, dans d’infimes conversations, au détour d’une formule, dans un mot ou une demande, qui disent le temps qu’elles n’ont pas pour autre chose (cet autre chose-là qui fonde précisément les conditions de possibilité de l’émancipation), pour autre chose que quelques verbes à l’infinitif (la forme pronominale a son importance) – se loger, se nourrir, se vêtir.
Aussi, dans ces lieux, quelque chose de l’émergence d’une autre parole – non pas strictement enserrée par les contingences matérielles mais ouvertes au dialogue, à la rencontre, à l’anecdote – se donne à entendre » écrit-il.
Tout au long de l’année 2024 et lors de chacune de ses venues, Adrien Chevrier organisera par ailleurs une série d’écoutes radiophoniques dont les contenus seront chaque fois en rapport avec les lieux choisis pour leur diffusion.
Au domaine du Mons, en juillet 2024 lors des deux journées de cinéma qui ont suivi « La nuit Giono », il a proposé une séance d’écoute en plein air sous les arbres de la clairière. « Faire entrer un peu de nuit dans nos yeux » (René Farabet) à partir des textes de Giono et l’écriture du vernaculaire.
« Servir le peuple »
Septembre 2024
(40 minutes)
La pièce « Servir le peuple » a été fabriquée en marge d’un travail réalisé au sein de Peuple et Culture Corrèze.
« C’est un court essai radiophonique dont le point de départ était, dans le prolongement de discussions avec Manée Teyssandier, l’expression de « culture populaire ».
Aux innombrables questions que peuvent, à nous autres contemporain·es, poser les temps qui courent en ce qui concerne la forme et la réalité de la culture populaire, ce travail ne prétend pas apporter de réponses ; seulement quelques pierres extraites de l’édifice de nos archives – filmiques, littéraires et radiophoniques –, quelques idées conservées plus ou moins joyeusement du passé, quelques façons de parler, de dire les choses, de les écouter.
Penser le peuple, penser avec le peuple ou par le peuple, c’est d’abord, je crois, rendre à la pensée toute sa mobilité – géographique, sociale, culturelle et artistique.
Et le son – peut-être plus que l’image ? –, le son dans son rapport à l’espace, aux espaces, peut prendre en charge cette mobilité.
C’est une recherche et un jeu de collage dont la méthode n’aura pas forcément été de suivre un fil logique mais plutôt des raisons politiques et un sentiment poétique.
En un sens, c’est comme on dirait une « pièce datée ». J’ai l’espoir qu’elle puisse trouver, dans les débats qu’elle pourra susciter auprès de ses auditeurs et auditrices, quelque chose de son rebond contemporain.
C’est une évocation historique ; à nous (ou à une autre pièce ?) d’en trouver le prolongement.»
Adrien Chevrier
Crédits :
Production et diffusion : Peuple et Culture
Intervenant·es : Sami El Haje, Leslie Ohayon, Yaël Mandelbaum, Gaël Gillon, Clara Alloing, Julien Marrant, Christophe Simonetti, Sandra Alvarez de Toledo, Marine Chevrier, Elsa Pondruel Simonetti
Prise de son, montage et mixage : Adrien Chevrier
Première diffusion : samedi 28 septembre 2024
Bibliographie :
Robert Linhart, L’Établi (1978)
Simone Weil, La Condition ouvrière (1951)
Bertolt Brecht, Journal de travail (1976)
Chris Marker, Commentaires (1961)
Jean-Luc Godard, Histoire(s) du cinéma (1988)
Nicole Brenez (dir.), Jean-Luc Godard, Documents (2006)
Xavier Vigna, L’espoir et l’effroi (2016)
Joseph Ponthus, À la ligne (2019)
Paul Nizan, Les Chiens de garde (1932)
Gilles Deleuze, L’Image-temps (1985)
Karl Marx, Thèses sur Feuerbach (1888)
Georges Labica, Karl Marx, Les Thèses sur Feuerbach (2014)
Jacques Rancière, Figures de l’histoire (2012)
Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1976)
L’Image le monde, 3, automne 2002 – « Images sauvages »
Filmographie :
Groupes Medvedkine
Chris Marker et Mario Marret, À bientôt j’espère (1967-1968)
La Charnière (1968)
Classe de lutte (1968)
Rhodia 4/8 (1969)
Nouvelle Société 5, « Kelton » (1969)
Michel Desrois, Lettre à mon ami Pol Cèbe (1971)
Jean-Pierre Thiébaud, Le traîneau-échelle (1971)
Sochaux, 11 juin 1968 (1970)
Les trois-quarts de la vie (1971)
Week-end à Sochaux (1971-1972)
Bruno Muel, Avec le sang des autres (1974)
Groupe Dziga Vertov
Le Vent d’Est (1970)
Autres :
Chris Marker, Le Tombeau d’Alexandre (1992)
Chris Marker, Le Train en marche (1971)
Chris Marker, Le fond de l’air est rouge (1977)
Harun Farocki, Les Ouvriers quittent l’usine (1995)